La colère suscitée par la loi sur les retraites alimente les manifestations du 1er mai en France


Les travailleurs français sont descendus dans les rues à travers le pays lundi, alors que les manifestations annuelles du 1er mai en France coïncidaient avec une colère latente face à une refonte impopulaire des retraites que le président Emmanuel Macron a fait adopter le mois dernier.

Du Havre au nord à Marseille au sud, des dizaines de milliers de personnes étaient descendues dans la rue en milieu de matinée, et la manifestation devait culminer dans l’après-midi avec une marche à Paris, la capitale.

La police s’attend à ce qu’environ un demi-million de manifestants se rassemblent à travers le pays contre la décision du gouvernement de relever l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans, un effort qui a conduit à la plus grande menace politique du second mandat de M. Macron.

Laurent Berger, le leader de la Confédération française démocratique du travail, le plus grand syndicat du pays, a présenté les marches comme un moyen de poursuivre la lutte contre la refonte des retraites. « Je n’accepte pas les 64 ans », a-t-il dit dimanche. « Je ne les accepterai jamais. »

Le défi de M. Berger reflète une vérité plus large à laquelle M. Macron est confronté : bien qu’il ait pu faire passer la refonte des retraites, il ne l’a fait qu’en se tournant vers une mesure constitutionnelle qui lui a permis d’éviter un vote complet au Parlement, et les protestations serviront comme un rappel brutal de la fureur résiduelle.

Pourtant, la refonte des retraites a été approuvée par le Conseil constitutionnel du pays et officiellement promulguée. Ainsi, bien que laisser le problème de côté ne soit pas facile à réaliser, il y a peu de chances que les manifestants parviennent à le persuader de revenir sur sa décision.

« Macron essaie d’avancer coûte que coûte, mais les gens restent immobiles », a déclaré Antoine Bristielle, responsable du service des sondages à l’institut de recherche de la Fondation Jean-Jaurès. « Environ 60% de la population déclare ne pas vouloir abandonner la réforme des retraites. »

La décision de M. Macron de relever l’âge légal de la retraite reposait sur sa conviction que le système de retraite n’était pas viable et que le changement de régime, avec ses prestations généreuses, était essentiel à la santé économique de la France.

Ce faisant, il a touché une corde sensible dans une société qui considère la retraite comme une étape importante de la vie, sans pour autant convaincre un grand nombre de Français des bénéfices potentiels du changement pour le développement économique du pays.

La France est secouée depuis des mois par des grèves et des manifestations régulières qui ont attiré des millions de personnes dans les rues. Lundi a marqué le 13e jour de manifestations à l’échelle nationale depuis janvier, et la première fois en plus d’une décennie que les syndicats du pays, généralement divisés, ont formé un front uni pour les manifestations traditionnelles du 1er mai.

« Il n’y aura pas de retour à la normale tant que la réforme ne sera pas retirée », a déclaré Sophie Binet, présidente de la Confédération générale du travail, deuxième syndicat de France. Radio RTL jeudi.

Mais M. Macron a insisté sur le fait qu’il ne céderait pas sur les modifications des retraites, qui entreront progressivement en vigueur à partir de septembre, laissant peu d’options à ses adversaires.

Un groupe d’opposition a déposé un projet de loi à la chambre basse du Parlement qui ramènerait l’âge légal de la retraite à 62 ans, mais il a peu de chances d’obtenir la majorité des voix de l’opposition fracturée.

Les opposants à M. Macron s’accrochent également à une demande qu’ils ont déposée auprès du Conseil constitutionnel qui permettrait un référendum sur la question. Le conseil devrait se prononcer sur la validité de la demande mercredi, mais il a déjà rejeté une demande similaire le mois dernier.

Même s’il devait se prononcer cette fois-ci en faveur, la procédure serait longue et complexe – impliquant la collecte des signatures d’au moins 10 % des électeurs, soit environ 4,8 millions de personnes, sur neuf mois – et ne conduirait pas automatiquement à un référendum.

Les marches de l’équivalent français de la fête du Travail donneront une indication de ce qui attend le mouvement de protestation. Ils pourraient lui donner un nouvel élan ou marquer symboliquement son dernier combat. « Le matin du 2 mai, nous déciderons quoi faire », a déclaré M. Berger.

M. Berger a prédit que « le 1er mai sera l’un des plus grands jours de mai sur les questions sociales au cours des 30 ou 40 dernières années », bien que le taux de participation devrait être bien inférieur à celui des autres manifestations au plus fort du différend sur la loi sur les retraites.

Les marches maintiendront une certaine pression sur le gouvernement français, qui tente de trouver une voie à suivre après le débat houleux sur une question qui divise.

Dans un discours télévisé à la nation le mois dernier, M. Macron s’est donné 100 jours pour livrer une poignée de révisions cruciales pour améliorer les conditions de travail et les salaires des Français, ainsi que pour lutter contre l’immigration clandestine.

Mais la semaine dernière, Mme Borne a annoncé en conférence de presse que le projet de loi sur l’immigration sur lequel M. Macron comptait serait repoussé à l’automne car « il n’y a pas de majorité pour voter un tel texte ».

Et deux jours plus tard, l’agence de notation Fitch a abaissé la note de crédit de la France, invoquant des craintes que le bouleversement politique sur la loi sur les retraites ne limite sa capacité à apporter des changements et à renforcer ses finances publiques à l’avenir.

Cela a été un coup dur pour M. Macron, qui avait laissé entendre que la refonte des retraites visait, au moins en partie, à rassurer les marchés financiers sur la santé économique de la France.

M. Bristielle, de la Fondation Jean-Jaurès, a déclaré que le gouvernement français espérait que le mouvement de protestation s’éteindrait dans les semaines à venir. « Les Français n’auront pas d’autre choix que de passer un moment à la réforme des retraites », a-t-il déclaré.

Mais, a-t-il ajouté, la bataille de plusieurs mois avait produit « une sorte de ressentiment généralisé contre Emmanuel Macron et les institutions politiques » qui serait un terreau fertile pour tout futur mouvement de protestation.



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